Chapitre 40

 

Les bottes de maître Spink martelaient le plancher tandis qu’il circulait entre les rangées de bancs, les mains croisées dans le dos. Beaucoup de repentants sanglotaient encore à cause de ce que les sauvages Hakens avaient infligé aux pauvres villageoises. Fitch croyait avoir deviné ce qu’il apprendrait pendant cette séance, mais il s’était trompé. L’horreur dépassait tout ce qu’il avait imaginé.

Il sentait que ses joues étaient aussi rouges que ses cheveux. Ce soir, maître Spink avait grandement comblé ses lacunes en matière d’éducation sexuelle. Cependant, cet exposé n’avait rien eu d’agréable. Des actes dont il rêvait depuis toujours lui semblaient maintenant répugnants.

Et être assis entre deux femmes ne lui avait pas facilité les choses !

Sachant ce qu’allait être la séance, les Hakennes avaient tenté de s’asseoir d’un côté de la salle, laissant les hommes entre eux de l’autre. En principe, maître Spink ne se souciait pas de ce genre de détail.

Ce soir, il avait insisté pour que chaque banc soit mixte. Connaissant tous les repentants de son groupe, il s’était arrangé pour qu’ils soient assis auprès de gens qu’ils ne connaissaient pas.

C’était volontaire, pour augmenter le trouble des Hakens pendant qu’il décrivait par le menu le calvaire de chaque villageoise. Il n’avait épargné aucun détail, et son auditoire, trop choqué et honteux, était resté étrangement silencieux.

Fitch n’avait jamais entendu parler de telles pratiques sexuelles. Pourtant, les autres garçons de cuisine et, depuis peu, les messagers n’étaient pas avares d’histoires salaces. Mais les violeurs dont parlait maître Spink étaient des guerriers hakens, connus pour leur cruauté. Ils avaient tout fait pour humilier les Anderiennes et les blesser. Voilà à quelle engeance maudite Fitch appartenait !

— Je suppose, dit maître Spink, que vous vous faites tous la même réflexion : « C’était à l’époque des grands seigneurs hakens, en des temps désormais révolus. Aujourd’hui, nous ne sommes plus comme ça. »

L’Anderien se campa devant Fitch.

— C’est ce que tu penses, misérable ? Tout fier dans ton bel uniforme, tu te consoles en songeant que tu n’as rien à voir avec les Hakens du passé ? Bien entendu, tu es sûr que ceux d’aujourd’hui sont différents !

— Non, maître Spink. Je sais qu’ils n’ont pas changé.

L’Anderien haussa les épaules et recommença à arpenter la salle.

— L’un d’entre vous croit-il que les Hakens d’aujourd’hui sont meilleurs que leurs ancêtres ? demanda-t-il.

Fitch osa regarder autour de lui. La moitié des repentants avaient timidement levé la main.

— C’est bien ce que je craignais ! rugit maître Spink. Vous pensez que votre peuple s’est amendé, tas de chiens arrogants ?

Toutes les mains se baissèrent.

— Vous ne valez pas mieux que vos ancêtres ! Et vos exactions sont toujours aussi ignobles !

Dans un silence de mort, l’Anderien passa entre les bancs et foudroya les repentants du regard.

— Vous n’avez pas changé…, soupira-t-il enfin. Pas le moins du monde…

Fitch n’avait jamais entendu une telle lassitude dans la voix de maître Spink. On eût dit qu’il allait éclater en sanglots…

— Claudine Winthrop était une femme connue et respectée. Jusqu’à sa mort, elle a œuvré pour le peuple d’Anderith, sans faire de distinction entre les Anderiens et les Hakens. Une des dernières lois dont elle est à l’origine permettra à des malheureux, hakens pour la plupart, de retrouver du travail et leur dignité.

» Mais le dernier jour de sa vie, elle a appris que vous n’êtes pas différents des barbares qui ont jadis conquis ce pays.

» Claudine Winthrop a connu le même sort que les femmes dont je viens de parler.

Fitch tiqua intérieurement. Il savait que c’était faux : au moins, Claudine avait eu une fin rapide.

— Comme les villageoises, elle a été violée par une bande de Hakens.

Fitch sentit qu’il fronçait les sourcils, et il s’empressa de cesser. Par bonheur, maître Spink ne s’en aperçut pas, car il était occupé à foudroyer du regard de pauvres garçons parfaitement étrangers à cette affaire.

— Nous ignorons combien de temps la malheureuse a dû subir les assauts dégradants de ses agresseurs. Mais sachez que selon les autorités, qui ont étudié les empreintes dans le champ de blé, ces monstres étaient entre trente et quarante !

L’assistance cria d’horreur.

Fitch l’imita, mais de surprise. Ses compagnons et lui n’étaient même pas quinze ! Il aurait voulu se lever, dire que Claudine n’avait pas subi de sévices sexuels, et qu’elle méritait la mort pour avoir voulu nuire au ministre de la Civilisation. Le futur pontife, que tout citoyen se devait de défendre ! Et qu’il était fier d’avoir protégé !

Au lieu de cela, il baissa la tête.

— Mais ces voyous ne sont pas les seuls coupables, continua maître Spink. Ça vous l’êtes tous ! Oui, tous les Hakens ont violé et assassiné Claudine Winthrop ! Parce que la haine brûle toujours dans vos cœurs, vous êtes complices de ce crime abominable !

L’Anderien tourna le dos aux repentants.

— Maintenant, sortez d’ici ! Votre seule vue me répugne ! Et penser à vos crimes me donne envie de vomir ! Dehors ! Et jusqu’à la prochaine réunion, essayez d’imaginer un moyen de vous améliorer.

Fitch bondit vers la porte. Il ne devait pas rater Beata ! Et il ne fallait pas qu’elle s’aventure seule dans la rue, ce soir.

Il la perdit de vue dans la cohue, mais parvint à ne pas se laisser dépasser par trop de gens. Une fois dehors, il jeta un coup d’œil derrière lui, pour s’assurer que Beata n’était pas dans son dos, puis il sonda la rue et ne la vit pas non plus.

Tapi dans l’ombre, il attendit qu’elle sorte.

Dès qu’il la vit, il l’appela à voix basse.

La jeune fille s’immobilisa et regarda autour d’elle. Les repentants la bousculant, elle s’écarta et, du coup, se rapprocha de Fitch.

Elle ne portait plus la robe bleue qu’il aimait tant, mais une jupe longue couleur de blé mûr et un corsage marron foncé étroitement lacé.

— Beata, il faut que je te parle !

— Fitch ? C’est toi, Fitch ?

— Oui…

Beata fit mine de partir, mais il lui saisit le poignet et la tira dans les ombres, près de lui. Les derniers Hakens, pressés de rentrer chez eux, n’accordaient pas la moindre attention à deux jeunes gens désireux de passer un peu de temps ensemble après la réunion.

Beata tenta de se dégager, mais Fitch ne lâcha pas prise et la tira vers un petit bosquet d’arbres et de buissons, sur le côté de la salle de repentance.

— Lâche-moi, ou je hurle !

— Je veux te parler, c’est tout ! Viens !

La jeune Hakenne se débattit. Fitch résista et continua à la tirer vers un coin tranquille où personne ne les entendrait, si elle consentait à ne pas crier.

— Fitch, ne pose pas tes sales pattes de Haken sur moi !

Fitch lâcha le poignet de Beata et se tourna vers elle. Aussitôt, elle voulut le gifler. Mais il s’y attendait – cette fois ! – et lui saisit le bras au vol. Acharnée, elle le frappa de l’autre main.

Fitch lui rendit sa gifle. Pas très fort, mais elle en resta pétrifiée de surprise. Pour un Haken frapper quelqu’un était un crime !

Mais il y était allé doucement, pour la calmer et la forcer à se taire. Ce ne pouvait pas être très grave…

— Tu dois m’écouter, grogna-t-il. Beata, tu as de gros ennuis.

Au clair de lune Fitch vit la colère qui brillait dans les yeux de la jeune fille.

— C’est toi qui en as ! Je dirai à Inger que tu m’as tirée dans les broussailles, puis frappée, et…

— Tu en as assez raconté à Inger comme ça ! explosa Fitch.

Déroutée, Beata ne répondit pas tout de suite.

— Je ne vois pas de quoi tu parles…, dit-elle enfin. Maintenant, je m’en vais ! Je n’ai pas envie qu’un sale Haken, aussi monstrueux que ses ancêtres, me frappe puis me violente !

— Tu m’écouteras, même si je dois te plaquer au sol et m’asseoir sur toi pour t’empêcher de bouger !

— Essaie un peu, espèce d’avorton !

Fitch serra les dents et tenta d’avaler l’insulte sans réagir.

— Beata, écoute-moi, je t’en supplie ! J’ai des choses importantes à te dire.

— Importantes pour toi, peut-être ! Moi, ça ne m’intéresse pas ! Je sais quel genre de garçon tu es, et ce que tu…

— Tu veux que tous les employés d’Inger souffrent ? Tu aimerais que ton boucher soit ruiné ? Cette histoire n’a rien à voir avec moi. J’ignore pourquoi tu me méprises, mais ce n’est pas le sujet, ce soir. C’est de toi qu’il est question !

Beata croisa les bras, l’air pas commode du tout, et elle réfléchit quelques instants. Fitch en profita pour jeter un coup d’œil autour d’eux, histoire de s’assurer que personne ne les épiait depuis la rue.

— Bon…, soupira la jeune Hakenne. Tant que tu n’essaieras pas de me convaincre que tu es magnifique dans ton nouvel uniforme, comme les brutes hakennes de jadis, je consens à t’écouter. Mais fais vite, parce que Inger a encore du travail pour moi.

— Ton patron est venu au domaine aujourd’hui, pour effectuer la livraison que tu refusais de faire.

— Comment le sais-tu ?

— J’entends beaucoup de choses…

— Et comment…

— Vas-tu enfin m’écouter ? Tu as de gros ennuis, et ta vie est en danger. (Beata plaqua les poings sur ses hanches mais se tut enfin.) Inger pense que quelqu’un a abusé de toi, au palais, et il veut que justice soit faite. Il entend qu’on lui livre le ou les coupables.

— Comment le sais-tu ? répéta Beata.

— Je te l’ai dit, j’entends beaucoup de choses…

— Je n’ai pas parlé à Inger de cette… histoire.

— Qu’importe ! Il a dû deviner, ou je ne sais quoi d’autre ! Mais il t’aime bien, et il ne veut pas laisser ce crime impuni. Tu le connais, il n’est pas du genre à renoncer ! Et il va provoquer une catastrophe.

— Je n’aurais pas dû refuser de faire la livraison. Et tant pis pour ce qui me serait arrivé…

— Je te comprends, Beata. À ta place, j’aurais refusé aussi.

— Fitch, je veux savoir qui t’a raconté tout ça !

— Je suis un messager, maintenant, et je fréquente des gens importants qui évoquent devant moi les affaires du domaine. J’étais là au bon moment, c’est tout ! Et je sais une chose : si tu parles de ton… histoire…, ces gens importants penseront que tu veux nuire au ministre Chanboor.

— Fitch, ne dis pas n’importe quoi ! Comment une pauvre Hakenne pourrait-elle faire du tort au ministre ?

— Tu me l’as dit toi-même : on murmure qu’il sera le prochain pontife. As-tu jamais entendu quelqu’un dire du mal de notre chef suprême ? Eh bien, tu avais raison, Bertrand Chanboor est le premier sur la liste des successeurs possibles…

» Comment réagiront les gens si tu parles ? Tu imagines qu’ils te prendront pour une brave fille qui dit la vérité ? Et qu’ils soupçonneront le ministre de mentir pour se défendre ? Les Anderiens ignorent la fourberie, tout le monde le sait. Si tu accuses le ministre, c’est toi qui passeras pour une menteuse. Et pis encore, pour quelqu’un qui veut détruire la réputation d’un grand homme d’État !

Beata plissa le front comme si elle ne comprenait pas un mot du discours de Fitch

— Eh bien… je n’ai pas l’intention de parler, mais si je changeais d’avis, le ministre ne nierait pas, parce que les Anderiens, justement, sont incapables de mentir. Les Hakens seuls naissent corrompus. Si je racontais tout, Bertrand Chanboor admettrait que c’est vrai.

Fitch en soupira d’agacement. Il savait que les Anderiens étaient meilleurs que les Hakens. Mais de là à les croire parfaits, il y avait un gouffre qu’il ne franchissait plus.

— Beata, ce qu’on nous enseigne n’est pas toujours totalement vrai. Et il y a même dans le lot d’énormes mensonges. Il ne faut pas tout croire !

— Si, tout est vrai ! déclara la jeune fille, catégorique.

— C’est ce que tu penses, mais tu te trompes.

— Vraiment ? Je crois surtout que tu ne veux pas reconnaître que les mâles hakens sont des monstres. Tu refuses de regarder en face ta propre perversion ! Et tu fais mine de ne pas voir comment vous traitez les femmes depuis l’aube des temps. Regarde ce que des Hakens ont fait à la pauvre Claudine Winthrop !

Du revers de la main, Fitch essuya la sueur qui ruisselait sur son front.

— Beata, réfléchis un peu ! Comment maître Spink peut-il savoir en détail ce qui est arrivé à chacune de ces femmes ?

— Parce qu’il l’a appris dans des livres, espèce d’idiot ! Au cas où tu l’aurais oublié, les Anderiens savent lire. Et la bibliothèque est pleine d’ouvrages qui…

— Tu crois que des barbares violeurs auraient pris le temps de rédiger leurs Mémoires ? Et qu’ils se seraient donné la peine de noter les noms de leurs victimes pour la postérité ?

— Bien sûr ! Ils ont adoré faire du mal à ces femmes, et ils ont consigné leurs crimes par écrit, afin de ne jamais les oublier. Tout le monde sait ça. Ces livres existent !

— Et dans lequel est-il écrit qu’une bande de jeunes Hakens ont violé Claudine Winthrop avant de la tuer ?

— Qui a besoin de le lire ? Il est évident qu’ils l’ont violée. Des Hakens l’ont tuée, et on connaît le sort qu’ils réservent aux femmes. Tu devrais savoir comment sont les mâles hakens, espèce de sale…

— Claudine Winthrop, coupa Fitch, voulait accuser à tort le ministre Chanboor. Elle n’arrêtait pas de le provoquer et de lui faire des avances. Après s’être donnée à lui, elle a changé d’avis, et prétendu qu’il l’avait violée. Comme ce qui t’est vraiment arrivé ! Pour avoir raconté trop de mensonges, elle a perdu la vie, et ce n’est pas étonnant…

Beata ne trouva rien à objecter. Fitch tenait de Dalton Campbell en personne que Claudine voulait ruiner la réputation du ministre. En revanche, Beata avait vraiment été violentée, et elle ne cherchait pas à semer le trouble…

À présent, elle le regardait fixement, sans savoir que dire. Fitch regarda de nouveau alentour pour s’assurer que personne ne les épiait. À travers les buissons, il vit que des gens passaient toujours dans la rue, mais ils ne tournaient même pas la tête dans leur direction.

Beata parla enfin – d’un ton beaucoup moins agressif :

— Inger ne sait rien de précis, et je n’ai pas l’intention de lui parler de tout ça…

— Hélas, ça ne change rien ! Il est déjà allé au domaine, où il a attiré l’attention sur toi. Des hommes importants connaissent ton histoire. Inger réclame justice, il embête tout le monde, et il finira par te forcer à lui confier le nom de tes agresseurs.

— Il n’y arrivera pas !

— C’est un Anderien, ne l’oublie pas ! Et toi, tu n’es qu’une Hakenne… S’il veut t’obliger à parler, tu devras céder. Et même s’il renonce à élucider cette affaire, effrayé d’avoir tiré un coup de pied dans un nid d’abeilles, les notables du domaine peuvent décider de te faire comparaître devant le juge suprême, qui t’ordonnera de parler.

— Je nierai tout ! (Beata eut une courte hésitation.) On ne peut pas forcer les gens à dire ce qu’ils veulent cacher, n’est-ce pas ?

— Peut-être pas, mais si tu refuses de témoigner, on te considérera comme complice des violeurs ! Tout le monde pense que des Hakens sont coupables ! Inger est un Anderien, et il affirme qu’on a abusé de toi. Si tu te tais, on te jettera en prison jusqu’à ce que tu changes d’avis. Et même si tu ne finis pas en cellule, tu perdras ton travail, et tu deviendras une traîne-misère.

» Beata, tu voulais entrer dans l’armée ! C’était ton rêve, me disais-tu ! La carrière militaire est interdite aux criminels ! Ton rêve ne se réalisera jamais, et tu devras mendier pour ne pas mourir de faim.

— Je trouverai un travail. Tu sais que je suis dure à la peine.

— Une Hakenne qui résiste à un magistrat devient une proscrite. Personne ne t’engagera, et tu devras te prostituer.

— Sûrement pas !

— Tu n’auras pas le choix ! Quand tu auras trop faim, ou que tu mourras de froid, il faudra te résigner à vendre ton corps. Et tes clients seront vieux et dégoûtants. Messire Campbell m’a dit que les filles de joie attrapent de terribles maladies. Tu agoniseras lentement, et…

— Non, Fitch ! Non, non et non ! Je ne ferai pas ça !

— Dans ce cas, comment vivras-tu ? Si on jette l’anathème sur toi parce que tu as défié un magistrat, qui te tendra la main ?

» Et si tu parles, qui te croira ? On t’accusera de mentir, et tu deviendras une criminelle pour t’être moquée d’un juge anderien. Lancer de fausses accusations est très grave, tu sais !

— Fitch, elles ne sont pas fausses, et tu pourrais en attester… Tu voudrais devenir le Sourcier de Vérité, non ? C’est ton rêve, comme l’armée pour moi. Quelqu’un qui a cette ambition doit pouvoir se lever et crier la vérité à la face du monde !

— Tu vois ? Il y a un instant, tu jurais de ne jamais parler. Et maintenant, tu me demandes de témoigner ?

— Si tu me soutiens, nous pourrons…

— Beata, je suis un Haken ! Tu crois que nous ferons le poids face au ministre de la Civilisation ? Aurais-tu perdu la tête ? Personne n’a cru Claudine Winthrop, une Anderienne de la haute société ! Elle a voulu nuire au ministre, et tu as vu comment elle a fini ?

— Mais quand il s’agit de la vérité…

— C’est quoi, la vérité, Beata ? Ce que tu me disais du ministre, quand tu le tenais pour un grand homme ? Tu te souviens que tu le trouvais beau, et que tu soupirais dès que tu apercevais « Bertrand » derrière une fenêtre ? Quand il t’a invitée au deuxième étage, j’ai vu combien tu rayonnais. Dalton Campbell devait te tenir par un bras pour que tu ne t’envoles pas d’allégresse ! Tu pensais que le ministre voulait te charger de féliciter Inger pour la qualité de sa viande ?

» Que sais-je de tout ça, à part que le ministre et toi avez… Au fond, tu l’as peut-être aguiché ! D’après ce qu’on m’a dit, les femmes accusent parfois de viol les hommes de pouvoir, histoire d’obtenir une « compensation ». Il paraît même que c’est très fréquent…

» Je n’étais pas là, Beata ! Qui peut m’affirmer que tu n’as pas cherché à le séduire ? Au fond, tu ne m’as rien raconté. Et tu t’es contentée de me gifler, peut-être pour me punir d’avoir vu que tu prenais du bon temps avec le ministre. Qui m’assure que ce n’est pas ça, la vérité ?

Beata tenta de retenir les larmes qui perlaient à ses paupières. Vaincue par le chagrin, elle se laissa tomber à genoux, s’assit sur les talons et éclata en sanglots.

Fitch resta un moment planté là, ne sachant que faire. Puis il s’agenouilla en face de son amie. Ses larmes le déroutaient. Depuis qu’il la connaissait, il ne l’avait jamais vue ainsi, à la différence des autres filles. Et voilà qu’elle pleurnichait comme un bébé !

Il lui posa une main sur l’épaule, mais elle se dégagea sans douceur.

Puisqu’elle ne voulait pas qu’il la console, le jeune Haken n’esquissa plus un geste et garda le silence. Un moment, il envisagea de s’éclipser pour la laisser pleurer en paix, mais il jugea plus prudent de rester, au cas où elle aurait besoin de quelque chose.

— Fitch, dit-elle entre deux sanglots, que vais-je faire ? J’ai tellement honte ! En cédant à ma vile nature de Hakenne, j’ai poussé un noble Anderien à commettre un acte immoral. Ce n’était pas mon intention, mais c’est pourtant la vérité. Tout est ma faute !

» Comment prétendre que j’étais consentante, alors que c’est faux ? J’ai tenté de résister, mais ils étaient trop forts. Si tu savais combien j’ai honte ! Par les esprits du bien, que vais-je faire ?

Fitch avala la boule qui se formait dans sa gorge. Il aurait donné cher pour ne rien dire, mais il devait parler, sinon Beata finirait comme Claudine Winthrop. Et ce serait à lui qu’on demanderait de faire le sale boulot !

Il refuserait, et sa carrière de messager s’arrêterait là. Au mieux, il retournerait nettoyer des chaudrons sous les ordres de maître Drummond. Même si cette idée lui répugnait, il ne ferait pas de mal à Beata…

Il prit la main de la jeune fille et l’ouvrit doucement. Puis il sortir un petit objet et le lui posa dans la paume.

L’épingle qui servait à fermer le col de la robe bleue… Celle qu’elle avait perdue au deuxième étage.

— Beata, tu as vraiment de gros problèmes. Et je ne vois qu’un moyen de t’en tirer…

L'Ame du feu - Tome 5
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